Le principe du passage au titre-repas électronique est adopté. Il reste à régler la question du coût pour les employeurs qui en donnent et pour les commerçants qui les acceptent…
Plus de 1,3 million de salariés bénéficient aujourd'hui de titres-repas. Leur montant s'élève à 7 euros maximum par jour de travail effectif. L'intervention patronale est plafonnée à 5,91 euros. C'est du net de net ! Il n'y a pas d'impôt, pas de cotisations sociales sur ce montant. C'est donc une façon de récompenser et fidéliser son personnel bien moins coûteuse qu'une augmentation salariale. Le gouvernement a décidé de passer à l'électronique, en concertation avec les partenaires sociaux qui en ont accepté le principe. L'abandon du titre-repas au format papier est une simplification. Mais passer du système actuel à une formule dématérialisée pose de nombreuses questions, dont certaines ne sont pas encore résolues. Il y aura, par exemple, une nécessaire coexistence des deux systèmes, ne serait-ce qu'en raison de la période de validité de trois mois des chèques en circulation. Sur quel support se trouveront les titres-repas électroniques ? L'idéal serait une sorte de puce spéciale, façon Proton, sur la carte de banque ordinaire. Ce ne sera sans doute pas possible. Il faudra imposer une carte particulière.
Compatible avec Banksys
L'UCM a exigé que cette carte soit compatible avec les terminaux Bancontact. Pour les magasins qui en sont équipés, il n'y a donc pas de problème. Au contraire, ils toucheront la contrepartie des titres encaissés dans les deux jours et non plus dans le mois. Le problème des commerçants qui n'ont pas de terminal reste ouverte. Quelle machine pourront-ils utiliser ? À quel coût ? Les organisations représentatives des indépendants refusent une charge de type Banksys, de 100 € par mois environ. Le Conseil national du travail ne veut pas que le changement entraîne une hausse des coûts actuels de l'acceptation des titres-repas.
Il faut aussi veiller à ce que le salarié puisse savoir facilement où il en est, ce qu'il a dépensé. C'est nécessaire si, après la période de trois mois de validité, les titres disparaissent ! L'UCM et son équivalent flamand, l'Unizo, mettent également sur la table le coût administratif pour les PME et les TPE. Une partie des frais liés à l'octroi de titres-repas est forfaitaire. Pour quelqu'un qui emploie cinq salariés par exemple, cela implique que le coût administratif dépasse 10 % de la valeur des chèques. C'est évidemment excessif si l'on considère que les deux seules sociétés émettrices, Sodexo et Accor, ont déclaré 16 millions d'euros de bénéfices l'an dernier.
Le ministre de l'Économie, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), veut accélérer la mise en circulation des titres-services électroniques. Il présente ce 16 avril un prototype. Un comité d'avis et de contrôle, où siégeront les partenaires sociaux, sera créé pour suivre et évaluer la réforme pendant au moins trois ans. Il y aura donc des possibilités d'ajustement. C'est une question dont on n'a pas fini de parler…
Tentant, mais dangereux…
Une solution radicale serait de supprimer tout le mécanisme des titres-repas pour n'en garder que le principe. Chaque employeur aurait la faculté d'ajouter, sur la fiche de paie et le compte en banque de ses salariés, un montant hors taxes égal à l'avantage maximal possible actuellement via les titres-repas. C'est tout simple pour le patron. Il n'y a plus aucune charge administrative, plus rien à commander, plus de frais. C'est transparent pour le salarié. Il voit le montant de sa gratification extralégale. Il a un salaire poche gonflé, unique, qu'il utilise à sa guise. C'est une facilité pour les commerçants qui ne reçoivent plus que du "vrai" argent, sans manipulation, sans frais, sans délais de remboursement.
La philosophie du système serait conservée. En 1987, les titres-repas étaient censés compenser le fait que certains salariés itinérants ou décentralisés ne bénéficiaient pas de la cantine de l'entreprise. Cette logique s'est perdue. C'est devenu un avantage où le brut égale le net, qui compense un peu les charges excessives qui pèsent sur le travail. Mais attention aux effets pervers d'une simple inscription sur la fiche de paie. La pression syndicale pour une généralisation du système serait accrue. Aujourd'hui, près d'un employeur sur deux ne veut pas ou ne peut pas donner de titres-repas. Cela doit être respecté. De plus, il serait trop facile, en cas de déficit de la sécurité sociale par exemple, de prélever une petite cotisation sur les montants nets et, petit à petit, de détricoter le système.